Impossible d'être bien dans la vie si l'on n'est pas bien avec soi-même.
Chaque instant, chaque événement risque de provoquer un sentiment de
mal-être. Vous êtes exposé à tous moments à ce que les psys appellent
des blessures narcissiques (mutilation de l'image qu'on a de soi),
véritables coups de poignard dans son moi le plus profond. Un gâteau
coupé, une accusation justifiée ou non et même une gentille moquerie
suffisent pour vous déstabiliser.
Le moindre reproche vous
atteint en plein coeur. Vous sentant attaqué à l'intérieur de vous-même,
vous plongez dans des abîmes de perplexité, de désarroi. Ou de colère.
En tous cas des sentiments qui ne font pas de bien à votre santé. Car en
sapant votre moral, ils affaiblissent les défenses de votre organisme,
Petites ou grandes, écrit la psychanalyste Claude Halmos,les blessures
narcissiques nous guettent à chaque coin de notre vie.
Si l'on a, dans son enfance, acquis le sentiment de sa valeur, on est à
même de relativiser les échecs, ils restent douloureux mais ne sont pas
destructeurs. En revanche, si l'on a été, dès son plus jeune âge, privé
de ce capital narcissique, chaque rencontre avec l'autre devient
prétexte à une difficile autoévaluation : Est-ce que je vaux quelque
chose ? Test piégé d'avance, car qui se pose ainsi la question a déjà au
fond de lui la réponse : Je ne vaux rien ou... pas grand-chose.
Quoique peu présent à votre conscience, votre souci primordial est alors de vous protéger des attaques contre votre image.
Attaques venant raviver votre ressenti. Sur le plan physique, même les
top models n'échappent pas à ces blessures. Ancien mannequin célèbre,
glorifiée dans les années 1990, Inès de la Fressange avoue mal supporter
encore les réflexions du genre...Ben ! t'as pas grossi toi....
Le manque d'estime de soi peut porter sur tel ou tel aspect de la
personne. Selon son vécu, elle sera gênée par ce qui a rapport à son
physique, ou à ses capacités. Certains seront à l'aise dans un milieu
social et pas dans un autre. D'autres peuvent croire en eux dans le
cadre de leur profession, mais être paralysé dans le domaine privé. Tous
ceux-là ne pâtiront que par intermittence de leur mauvaise image. Et se
rattraperont sur les points où elle reste bonne.
Plus grave est la situation de ceux dont l'image est tellement altérée
qu'ils souffrent en permanence. Le moindre défaut les amène à se sentir
globalement dévalorisés. Ils ont raté quelque chose ? Ils s'effondrent
ou deviennent littéralement malades. Là où quelqu'un qui s'estime
pensera bon, je ne suis pas fort en ce domaine, ce n'est pas grave,
l'autocritique de celui qui ne s'aime pas portera sur l'ensemble de sa
personnalité.
Le manque d'estime de soi peut mener à la dépression ou tout au moins à
une humeur en dents de scie. Il n'est guère possible d'être
intrinsèquement en paix quand on doute trop de sa valeur. Et plus on en
doute, plus on se sent indigne des bienfaits de la vie. L'une des
conséquences de cet état est la punition infligée à soi-même. Puisqu'on
ne vaut rien, on n'a pas droit aux petits bonheurs si essentiels. De là
viennent les conduites étonnantes de ceux qui,
inconsciemment,s'interdisent d'être heureux.
Sandra s'arrange pour louper tout ce qui pourrait lui faire plaisir.
Doit-elle partir un week-end en amoureux avec son mari, elle tombe
malade le jour du départ. Le lendemain elle est en pleine forme, mais
c'est trop tard.
L'invite-t-on au restaurant, elle n'a pas faim et laisse son assiette
pleine... mais se gave de raviolis en boîte une fois rentrée chez elle.
Qu'on lui propose de lui rendre un service, elle répond mais non, ce
n'est pas la peine... et s'en mord ensuite les doigts.
Je ne sais pas comment, raconte-t-elle, mais je suis devenue celle qui
se contente de peu. Aussi pour mon anniversaire, ma famille ne m'offre
que des bricoles sans valeur. Et le pire est que je m'en satisfais. Je
trouverais anormal de recevoir des cadeaux de prix. J'ai l'impression de
ne pas les valoir.
Dans les cas extrêmes, le manque d'estime de soi mène à ne plus se
respecter. On néglige son apparence, on ne prend pas soin de sa santé.
On se laisse maltraiter sans protester. On juge normal d'obéir, de
céder, voire d'être bafoué. Cela peut faire très mal. On supporte, la
mort dans l'âme, en rongeant son frein. Et souvent, n'en pouvant plus,
on éclate au mauvais moment. Tout au fond de soi, le petit discours est
je ne mérite pas mieux.
Certains même en arrivent à douter d'avoir droit à l'existence. Naturellement ce sont des cas rares. Mais les
comportements de dépendance (drogue, alcoolisme, boulimie) sont souvent la conséquence d'une image trop négative de
soi-même.
Plus fréquents sont ceux chez qui la mésestime entraîne de fortes
inhibitions. L'action est la voie royale pour se sortir des problèmes.
Le hic c'est que lorsqu'on ne s'estime pas, on manque de confiance en
soi et par conséquent on n'agit pas. Le plus petit échec entraîne trop
d'émotions douloureuses. De l'humiliation au sentiment d'être coupable,
le refrain reste toujours : c'est de ma faute.
Contrairement à ceux qui en veulent au monde entier, on en veut surtout à
soi-même. Pour ne pas risquer un tel désastre, on limite au maximum ses
entreprises.
Si vous ressentez un petit pincement au coeur dès qu'il vous faut
affronter quelque chose ou quelqu'un, vous ne croyez sans doute pas
suffisamment en vous. Or, plus vous doutez de vous, plus vous avez des
difficultés à vous prendre en main.
L'idée de faire face vous tétanise. Et les soucis s'accumulent.
Ou bien, n'ayant pas confiance en votre jugement, vous tergiversez
pendant des heures et finissez par vous en remettre à l'avis des autres.
Par exemple, vous voulez acheter un vêtement. Dans le magasin un grand
choix se présente et il vous faut prendre une décision entre plusieurs
modèles.
Tentations, essayages, hésitations. Par peur de vous tromper, vous
n'arrivez pas à vous décider. Au bout du compte vous repartez sans rien
ou avec ce que la vendeuse vous a conseillé, horriblement cher et que
vous ne mettrez même pas.
Et vous êtes furieux, mécontent de vous.
Que dire alors, quand l'enjeu des prises de décisions est plus important
et que les conseils ne sont pas forcément fiables. Il suffisait,
raconte Bernard, que quelqu'un me dise je t'assure, tu devrais faire
cela pour que, soulagé de ne pas avoir à m'assumer, je le fasse. Après
je me rendais compte que c'était une erreur et il fallait réparer les
dégâts.
J'ai beaucoup moins de soucis depuis que j'ai décidé que j'étais autant
capable que les autres d'avoir une réflexion intelligente. Je me fie
d'abord à moi-même.
Mais pour certains, se fier à soi-même, est au contraire très
pénalisant. Car ils se référent non à leurs capacités réelles, mais à
l'image élevée qu'ils poursuivent. Une image irréaliste, trop exigeante,
tyrannique, que les psychanalystes nomment le moi idéal. Elle se résume
en un ordre je dois.
Comme petit, je devais satisfaire mes parents, je dois maintenant, pour
m'estimer, être à la hauteur de mes attentes excessives. Et en
s'épuisant à atteindre l'inaccessible, notre idéaliste rend impossible
ce qui serait réalisable. Il fonctionne en tout ou rien, oscillant entre
ses idées grandioses, son perfectionnisme, et le découragement qui
l'amène à se dévaloriser totalement. Son image de lui est en perpétuelle
dégringolade et il souffre énormément.
Sur le plan affectif et relationnel, le manque d'estime de soi est aussi
source de tourment. La quête effrénée d'amour ou d'amitié est fréquente
chez ceux qui ne s'aiment pas.
Quelqu'un va-t-il réussir à me prouver que je suis aimable ?
Quête pratiquement toujours vouée à l'échec, car personne, à part soi-même, ne parvient à restaurer une image de soi
négative.
Vous restez persuadé que le regard porté sur vous ne peut être que critique. À tel point que les compliments vous gênent.
Soit vous les croyez mensongers (il dit ça pour me flatter, il attend
sûrement quelque chose de moi), soit ils vous apparaissent comme faux
(il va vite s'apercevoir qu'il se trompe).
Pour vous rassurer un minimum, il faudrait en faire des tonnes. Les âmes les plus charitables finissent par se lasser.
Et ce besoin permanent de réassurance est à la source de bien des crises (disputes, séparations, etc.).
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